Faut il voir “The Tragedy of Macbeth” de Joël Coen sur Apple TV + ?

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“The Tragedy of Macbeth”, Denzel Washington au pays de Shakespeare

Le projet était dès le départ très alléchant. Une adaptation de « la pièce écossaise » (nom que lui donne le milieu du théâtre à cause d’une superstition qui voudrait que la pièce soit maudite) par Joël Coen c’est le genre d’information qui ne passe pas inaperçu. D’abord parce qu’il réalise « The Tragedy of Macbeth » tout seul, sans son frère Ethan. N’y voyez pas une version de Hamlet où Joël se serait débarrassé de son frangin pour régner seul sur le devenir du film. Non, Ethan serait sur le point de quitter le monde du Cinéma, de prendre du recul.

C’est donc un frère Coen seul au commande qui nous livre « The Tragedy of Macbeth », sur la plateforme Apple TV+ et en sortie limité dans certains cinéma. Le réalisateur fait appel à un casting cinq étoiles avec tout au sommet un Denzel Washington royal. Le choix de faire jouer des acteurs afro-américains dans une pièce de Shakespeare peut être reçu comme une envie de modernisme. Mais encore faut il que ça marche. Et ici non seulement c’est un succès mais cela va ouvrir des portes pour de futurs projets.

Aux côtés de Denzel Washington on retrouve Frances McDormand, épouse de Joël Coen et habituée des projets de la famille, mais aussi Brendan Gleeson   grand habitué des pièces de Shakespeare ainsi que Corey Hawkins, aperçu dans « The Walking Dead » ou encore « Blackkklasman », qui avait déjà joué du Shakespeare dans la pièce « Roméo et Juliette ». Le reste du casting est excellent avec une mention pour Alex Hassel, formidable dans le rôle de Ross. Acteur de théâtre accompli son ambiguïté dans le récit est une des réussites de cette adaptation.

Du noir et du blanc

Pour adapter la noirceur de ce couple légendaire, Joël Coen fait basculer son film dans un noir et blanc d’un esthétisme fou. Entre gros plans et séquences contemplatives, le cinéaste nous livre une oeuvre qui ressemble plus à une toile de maître qu’à un film classique. Chaque plan est une déclaration d’amour au noir et blanc montrant, s’il le fallait encore, que ce procédé permet de rendre au récit une dimension unique. Car entre le noir et le blanc il y a le gris. Le gris d’un homme tiraillé par le remord, tiraillé par le bien et le mal et qui court à sa perte, inéluctablement.

« The Tragedy of Macbeth » raconte l’histoire de Mactbeth qui, de retour d’une bataille victorieuse, se voit annoncer par 3 sorcières qu’il deviendra Roi. Pousser par sa femme Lady Macbeth s’en suit le complot et la mort. Joël Coen propose ici une adaptation de la pièce de Shakespeare avec des personnages plus vieux que dans la pièce d’origine. Ici les deux protagonistes forment un couple vieillissant, ce qui donne une interprétation particulière du texte. Le film montre les rides, la recherche de la gloire, d’une ultime tentation.

La beauté du film vient aussi du fait qu’il fut intégralement tourné en studio. Les décors sont minimalistes, poussant l’oeil à observer sans cesse les personnages, à scruter les moindres détails de leurs expressions. La photographie du français Bruno Delbonnel est exceptionnelle et un léger voile semble planer sur tout le film. On pense évidemment à l’adaptation d’Orson Welles qui plane sur tout le film. 

Entre modernisme et classicisme

Semblant sorti d’un autre monde, cette adaptation pousse le spectateur à oublier l’époque et le temps et à s’encrer dans un réel actuel. Bien que le texte soit le plus souvent respecté, l’ajout de comédiens de couleurs ajoute une dimension contemporaine au récit. Le film semble le clamé haut et fort, Shakespeare appartient à l’humanité tout entière, loin de toute considération passéiste. Et ça marche, le résultat est bluffant. Mais un acteur semble porter le film sur ses épaules : Denzel Washington.

L’acteur américain incarne un Macbeth âgé, gangrené par le remord, l’envie, la conquête ou le désespoir. Denzel Washington trouve un terrain de jeu ultime pour son talent d’acteur. Lui qui peut tout jouer, il va tout jouer… dans le même film. Son interprétation magistrale devrait lui ouvrir les portes d’une nomination à l’Oscar du meilleur acteur, sa 12e nominations en comptant la catégorie second rôle pour 2 statuettes remportés. Lui qui vient de rempiler dans son rôle de Robert McCall pour Equalizer 3, trouve ici un rôle royal, à la hauteur de son talent.

Le reste du cast est aussi excellent. Frances MacDormand est habité et comme à son habitude elle donne une dimension humaine au personnage. Les acteurs méconnus du grand public sont des habitués des pièces de William Shakespeare, la plupart ayant joué ses oeuvres au théâtre. Cela donne une épaisseur au moment de jouer et nul doute que Jöel Coen préféra confier un texte si complexe à dire à des acteurs chevronnés. La diction y est parfaite et l’ensemble n’en ressort que plus cohérent. 

Que reprocher à ce film ? Peut être un certain conformisme auquel nous ne sommes sommes pas habitué lorsque l’on entend le nom de Joël Coen. Shakespeare reste un auteur complexe à la prose riche mais compliqué ce qui fera fuir ceux qui pensent trouver ici des dialogues classiques. Pour les autres foncez, le roi vous attend.

Conclusion :

Diablement maitrisé et magnifiquement interprété, « The Tragedy of McBeth » est une adaptation à la fois contemporaine et classique de la pièce légendaire de William Shakespeare.